Ilham Aliyev a accordé une interview au quotidien français Le Figaro - VIDEO / Mise à jour

  25 Octobre 2020    Lu: 1694
 Ilham Aliyev a accordé une interview au quotidien français Le Figaro - VIDEO / Mise à jour

Le président azerbaïdjanais Ilham Aliyev a accordé une interview au quotidien français Le Figaro.

LE FIGARO. - Quels sont les objectifs politiques de l’attaque militaire que vous avez lancée contre le Haut-Karabakh?

Ilham ALIYEV. - Nous n’avons pas lancé d’attaque militaire contre le Haut-Karabakh le 27 septembre. C’est l’Arménie qui nous a agressés, aux premières heures de ce jour. Et nous avons eu des morts dans la population civile et parmi nos soldats. C’était, en trois mois, la troisième provocation militaire de l’Arménie contre nous. Les observateurs internationaux ont été témoins de tout cela. La première provocation eut lieu le 12 juillet 2020. C’était dans une région fort éloignée du Karabakh. Les Arméniens ont alors attaqué la frontière internationale, afin d’occuper davantage de territoire azerbaïdjanais. Leur but était de s’emparer de nos infrastructures énergétiques stratégiques, qui se situent à quelques kilomètres seulement de leur frontière.

Le PTA, pipeline trans-Adriatique, est pratiquement achevé, et ce projet de corridor gazier du Sud a pour but de sécuriser les approvisionnements de l’Europe comme les revenus de l’Azerbaïdjan. Le but de l’Arménie est de s’emparer de ces infrastructures afin d’exercer un chantage contre nous, voire contre les consommateurs européens. Les Arméniens ont été confrontés à une réponse sérieuse de notre part. Nous les avons repoussés. Au mois d’août 2020, ils ont envoyé chez nous un groupe de saboteurs, mais ils ont été arrêtés, nous fournissant quantité de preuves des intentions malignes de l’Arménie.

La stratégie d’Erevan a toujours été de maintenir inchangé le statu quo d’occupation et d’impliquer des pays tiers pour internationaliser le conflit. L’Arménie veut mettre sur notre dos la responsabilité de l’escalade. Mais c’est elle qui a rompu les négociations! Notre action militaire est proportionnée. Nous avons libéré et nous continuons à libérer des territoires qui sont internationalement reconnus comme ceux de l’Azerbaïdjan.

 - Après presque un mois de guerre, où en est le front?

- Notre contre-offensive a été réussie. Nous avons libéré un grand nombre de villes et de villages. Cela n’a pas été facile car, en trente ans d’occupation, les Arméniens y avaient construit toutes sortes de bunkers. Il n’a pas été simple pour nos forces de franchir la ligne de contact. Mais nous avons percé, au nord comme au sud, ce qui démontre les qualités opérationnelles de nos armées. Et les Arméniens ont fui devant nous. Nous avons repris toute notre frontière internationale avec l’Iran, soit 130 kilomètres qui étaient occupés par les Arméniens. La guerre se serait arrêtée, une solution politique aurait prévalu, s’ils n’avaient pas, à deux reprises, violé la trêve humanitaire: le 10 octobre en lançant un missile sur la ville endormie de Ganja, et à nouveau le 17 octobre. Notre position est claire: si les Arméniens ne cessent pas le feu, nous continuerons à libérer nos terres. Nous avons une armée de 100.000 hommes très motivés, car désireux de mettre un terme à trente ans d’occupation arménienne.

- N’ont-ils pas bombardé Ganja parce que c’est de là qu’a décollé un F-16 turc qui a abattu un Sukhoï arménien?

- Ce sont des «fake news», fabriquées par les Arméniens. Les F-16 turcs étaient stationnés à Ganja avant le début des hostilités, dans le cadre d’un exercice militaire commun entre nous et nos alliés turcs. Ces F- 16 restent au sol. Le Sukhoï-25 arménien s’est crashé tout seul dans la montagne et le gouvernement arménien a ensuite prétendu qu’il avait été abattu par un avion turc. De toute façon, cet incident date de septembre! Le bombardement de Ganja du 17 octobre est le fait d’un missile balistique tiré du territoire de l’Arménie. C’est un crime de guerre, un acte de terrorisme international injustifiable.

-En acceptant l’intervention militaire de la Turquie à vos côtés et l’arrivée chez vous de combattants syriens passés par la Turquie, ne craignez-vous pas de régionaliser un conflit qui était au départ local?

- D’abord, la Turquie n’est pas du tout impliquée militairement dans ce conflit. Certes, aux premières heures de l’attaque arménienne, le président turc a exprimé un net soutien politique en notre faveur. Mais il n’appelle qu’à la stricte application des quatre résolutions du Conseil de sécurité de l’Onu qui exigent de l’Arménie qu’elle se retire des territoires azerbaïdjanais qu’elle occupe. Deuxièmement, il n’y a pas un seul combattant étranger sur le territoire de l’Azerbaïdjan. La France et la Russie ont été incapables de nous apporter la moindre preuve des prétendus combattants syriens dont elles ont parlé. Nous n’en avons d’ailleurs pas besoin. Nous avons une armée de 100.000 hommes très motivés, car désireux de mettre un terme à trente ans d’occupation arménienne. Nous n’avons même pas eu besoin de décréter la mobilisation générale.
Nous sommes prêts à arrêter aujourd’hui. Il faut simplement que l’Arménie cesse le feu.

- Sont-ce les drones kamikazes israéliens Harop et les drones turcs Bayraktar qui ont permis votre percée militaire?

- Nous achetons de l’équipement militaire à différents pays. Notre principal fournisseur n’est ni Israël, ni la Turquie ; c’est la Russie. Mais, à la différence des Arméniens, nous payons aux Russes le matériel qu’ils nous livrent! Dans une guerre, ce ne sont pas les aéronefs mais les soldats à terre qui libèrent les territoires.

- Quel est le meilleur médiateur pour arrêter cette guerre?

- Nous avons trois médiateurs, la Russie, la France et les États-Unis. Cela fait vingt-huit ans qu’ils essaient de parvenir à une solution politique. Sans succès. Ces trois membres permanents du Conseil de sécurité de l’Onu ont voté les quatre résolutions exigeant la fin de l’occupation arménienne. Mais ils n’ont pas mis suffisamment de pression sur l’Arménie pour qu’elle applique ces résolutions.

-Quel territoire souhaitez-vous reprendre avant d’arrêter votre offensive?

-Nous sommes prêts à arrêter aujourd’hui. Je l’avais déjà dit lors des pourparlers de Moscou le 10 octobre. Il faut simplement que l’Arménie cesse le feu. Et ensuite ce sera aux diplomates d’agir. Je pense que le temps est venu de trouver une solution politique. Mais les Arméniens ne pourront plus nous l’imposer, car le statu quo et l’ancienne ligne de contact n’existent plus.

 - Quel est précisément votre plan pour mettre fin à cette guerre?

- Il faut que les Arméniens acceptent les principes de base définis par la France, la Russie et l’Amérique, que nous avons acceptés. Et ensuite nous retournerons à la table de négociation. Moi-même, j’ai négocié pendant dix-sept ans avec les Arméniens. J’ai travaillé avec deux présidents arméniens, lors de rencontres à Moscou, Paris ou Washington. Nous avions fait de petits progrès. Mais quand Monsieur Pachinian est arrivé au pouvoir à Erevan en 2018, il a détruit le processus de paix par ses déclarations incendiaires et ses provocations militaires. Je pense que le temps est venu de trouver une solution politique. Mais les Arméniens ne pourront plus nous l’imposer, car le statu quo et l’ancienne ligne de contact n’existent plus. Il y a une réalité nouvelle sur le terrain et l’Arménie devra en tenir compte!

- Quelle est votre vision pour l’enclave du Haut-Karabakh, aujourd’hui entièrement de population arménienne?

- Nous la voyons comme une partie prospère et sûre de l’Azerbaïdjan, où les Azerbaïdjanais et les Arméniens vivront en harmonie, en paix et en dignité. Les réfugiés azerbaïdjanais doivent pouvoir y revenir.  Mais les Arméniens ont peur! Ils se souviennent du pogrom de Bakou de janvier 1990...

C’est une page noire de notre histoire. Mais ces massacres répondaient à d’autres massacres et à du nettoyage ethnique commis par les Arméniens contre des Azerbaïdjanais, en Arménie et dans le Haut-Karabakh. Ce n’est pas une raison pour empêcher une réconciliation aujourd’hui. Vous, les Français, vous vous êtes réconciliés avec les Allemands en moins de quinze ans. Notre pays est profondément laïc, il protège toutes les religions. Son haut niveau de tolérance religieuse a été salué par le pape François lors de sa visite à Bakou en 2016. (Par Le Figaro)

 

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